28 Juil 2025

Conditions de réussite et potentiel des lignes de car express ainsi que de leur couplage aux lignes de covoiturage

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Jean-Philippe Hermine
Directeur Général
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Simon Louedin
Analyste
Les déplacements longs du quotidien représentent les flux sur lesquels les émissions de GES sont les plus importantes. En parallèle, les budgets et budgets-temps se contractent. La décarbonation de ces flux constitue donc autant un enjeu écologique que social et nécessite des alternatives concrètes à l’usage du véhicule particulier. C’est l’objectif des Services Express Routiers (SER) : des couplages entre des lignes de covoiturage et des lignes de car express. Cette étude vise à évaluer le potentiel du déploiement des lignes de car express et de leur couplage aux lignes de covoiturage en termes d’attractivité pour l’usager, de coût public et de gains environnementaux. L’analyse est menée à la fois au niveau local pour identifier les conditions particulières de réussite et à l’échelle nationale afin d’estimer la contribution des SER aux objectifs fixés par le SGPE, les coûts et bénéfices socio-économiques induits.
 
Les lignes de car express peuvent présenter des bénéfices pour l’usager (coût généralisé jusqu’à 39% inférieur par rapport à l’usage du VP), un faible coût public (R/D compris entre 82% et 100%) et un potentiel de décarbonation suffisant (environ 1600t CO₂/an évitées pour une liaison) qui pourrait être augmenté de 20% par l’usage d’autocars électriques à batterie dont le coût total de possession (TCO) devrait être équilibré avec celui des véhicules diesel en 2028. Ces bénéfices sont atteignables dès aujourd’hui sur un ensemble de liaisons types, qui représentent 23% des flux de moins de 50 km : (i) des liaisons radiales en Île-de-France et dans les agglomérations de plus d’un million d’habitants (Lyon, Lille, Marseille, etc.), (ii) des liaisons entre zones périurbaines dans les mêmes aires urbaines (iii) des liaisons radiales dans les grandes agglomérations (Grenoble, Strasbourg, etc.). Ces flux se caractérisent par une surreprésentation de l’usage du VP, des trajets domicile-travail et longues distances, autant de caractéristiques suggérant une adéquation entre l’offre de car express et la structure de la demande. Les bénéfices socio-économiques des lignes de car express peuvent être maximisés localement, avec des objectifs serviciels adaptés : vitesse, désenclavement ou desserte des pôles d’activités.
De manière transversale, des leviers d’optimisation existent pour assurer la viabilité économique d’une ligne de car express. En effet, la mauvaise gestion de trois paramètres – les retours à vide, le haut-le-pied, la fréquence de passage en heures creuses – peut en compromettre l’équilibre, la faisant évoluer d’un modèle quasi-autofinancé par des recettes d’exploitation à une forte dépendance aux subventions publiques (un R/D passant de 100% à 28%). Pour cette raison, la conception et l’exploitation d’une ligne doivent faire l’objet d’une attention particulière de la part des autorités organisatrices de la mobilité (AOM). Celles-ci doivent être appuyées par une ingénierie socio-économique et territoriale. L’optimisation du R/D permettrait aux AOM de concentrer leurs investissements sur les éléments à fort levier pour l’usager : l’infostructure (MaaS, interopérabilité des systèmes billettiques), les infrastructures d’intermodalité (pôles d’échange multimodaux, parcs relais, arrêts sur voies rapides) ainsi que les aménagements favorables à l’attractivité des SER (VRTC et VR2+).
Le déploiement à grande échelle des SER pourrait éviter les émissions de 3,75 Mt CO2 par an, un résultat aligné avec les objectifs fixés par le SGPE à horizon 2030. En effet, le couplage entre les lignes de car express et les lignes de covoiturage présentent de multiples synergies : renforcement de la desserte et du maillage, de la fréquence en heures creuses, écrêtement de la demande en heures de pointe. Sur la typologie de liaison que nous avons distinguée, la mise en service d’un système SER améliore le coût généralisé pour l’usager, la différence avec un trajet réalisé en VP de bout en bout montant jusqu’à 45%. Ce système de mobilité alternatif à l’usage du VP – qui couvrirait 43 millions de personnes – constitue une politique publique de type pull, c’est-à-dire incitative, qui favorise l’acceptabilité des politiques de transition car elle atténue l’exposition des ménages à des mesures contraignantes. Concrètement, son déploiement à l’échelle nationale représenterait des économies monétaires de 9,7 milliards d’euros par an pour les ménages.